Voici comment on faisait chevalier à l'Ordre du Bain:
Mode de réception
Lorsqu'un gentilhomme se trouvait à la cour et qu'il désirait être fait chevalier, il était, suivant la coutume d'Angleterre, honorablement reçu des courtisans comme du sénéchal ou du grand chambellan, s'ils étaient à la cour, sinon du maréchal ou de quelque autre haut officier. On lui donnait deux écuyers pour avoir l'œil sur toute la cérémonie et pour l'instruire de ce qu'il avait à faire. S'il arrivait à l'heure du repas, il servait le roi d'un plat seulement, et ensuite les écuyers le conduisaient dans une chambre qui était préparée pour lui, et on ne le revoyait plus de tout ce jour-là.
Sur le soir, à l'heure de vêpres, les écuyers lui envoyaient un barbier qui lui préparait un bain artistement paré de belles toiles, comme un endroit pour se reposer, et qui était bien entouré de tapisseries à cause de la froidure de la nuit. Dès qu'on lui avait rasé la barbe et coupé les cheveux, les écuyers allaient avertir le Roi que l'heure de vêpres était venue et que son sujet, qui aspirait à être fait chevalier, était dans le bain. Alors le Roi commandait à un gentilhomme de la chambre de prendre avec soi les plus anciens et plus graves chevaliers et de s'en aller avec eux à la chambre du novice pour lui donner leurs avis et l'instruire de la manière dont il devait recevoir l'Ordre et se comporter dans la dignité de chevalier. Après cela, les autres écuyers de la cour, accompagnés de musiciens, allaient en sautant, chantant, dansant et faisant un grand bruit devant la porte de sa chambre. Dans le moment que les deux écuyers qui étaient avec lui entendaient ce bruit, ils le déshabillaient et le faisaient entrer dans le bain, et cependant le bruit et la symphonie cessaient. Les principaux chevaliers entraient ensuite dans la chambre sans faire de bruit, et après s'être fait des compliments, le plus ancien représentait à celui qui était dans le bain l'honneur qu'il recevait, y ajoutant des avis et lui disant : Monsieur, ce vous est beaucoup d'honneur que d'être mis dans ce bain. Après l'avoir instruit de tout, ils lui jetaient tous avec les mains de l'eau du bain sur les épaules et, prenant congé de lui, sortaient un peu de temps de sa chambre.
Après cela, les écuyers ouvraient la chambre et y faisaient entrer les chevaliers pour conduire le novice à la chapelle, ce qui se faisait au son de la musique des chantres, en sautant et donnant mille marques de réjouissance. Les écuyers et les prêtres pouvaient seuls demeurer toute la nuit dans la chapelle avec le nouveau chevalier sur qui les portes étaient fermées. Là, il passait la nuit en prières pour demander à Dieu et à la Vierge Marie les grâces et les forces dont il avait besoin, afin qu'étant fait chevalier il pût bien soutenir cette dignité et la faire servir à la gloire de Dieu, de la Sainte Vierge, de l'Église catholique et de l'Ordre où il entrait. A la pointe du jour, il se confessait, il entendait la messe, il communiait, ayant toujours devant lui un cierge ardent qu'il tenait en ses mains à la corne de l'Evangile pendant qu'on le lisait; et après qu'il était lu, il retournait à sa place. Lorsqu'on était à l'élévation, un des écuyers lui ôtait le capuchon de dessus la tête, et vers la fin, quand on était à l'Evangile : In principio, etc. (" Au commencement était le Verbe... " : début du prologue de l'Evangile selon saint Jean servant de " dernier évangile " dans la messe tridentine). , il retournait à l'autel avec le cierge à la main qu'il offrait dessus à l'honneur de Dieu au moment qu'étaient prononcées ces paroles : Et verbum caro, etc. (" Et le verbe s'est fait chair... ") Il offrait aussi une Pièce d'argent qui était pour celui qui le consacrait chevalier. Après la messe, les écuyers le reconduisaient en sa chambre et le remettaient au lit jusqu'au lendemain, le couvrant d'une couverture d'étoffe d'or que les Anglais nomment siglaton (Encore orthographié cic-laton, sigladon ou sigladoine : long manteau rond de soie ou d'étoffe riche, porté par les deux sexes.)
Le lendemain matin, lorsque les écuyers croyaient qu'il était temps, ils allaient trouver le Roi et lui disaient : Sire, quand plaît-il à Votre Majesté qu'on éveille notre chevalier? Le Roi commandait aussitôt que les chevaliers, les écuyers et les musiciens, de la même manière que le jour précédent, retournassent dans la chambre du nouveau chevalier pour l'éveiller, l'habiller et le conduire à la salle du Roi. Au bruit qui se faisait à leur arrivée, les écuyers ouvraient la porte et les chevaliers étant entrés disaient : Monsieur, nous vous souhaitons le bonjour, il est temps de vous lever. Pendant que cela se disait, les écuyers le levaient par dessous les bras, le plus noble et le plus grave chevalier lui mettait sa chemise, un autre lui donnait ses bas, un troisième son justaucorps et un autre lui présentait un habit rouge-brun qui, selon la mode d'alors, était bordé de pourpre. Il y en avait deux autres qui lui aidaient à descendre du lit, deux qui le chaussaient, deux qui lui attachaient ses manchettes et un autre qui lui mettait une ceinture de cuir blanc. Un autre le peignait, un autre lui mettait son bonnet sur la tête et un autre enfin lui donnait son manteau de soie pourpre, avec le cordon blanc et une paire de gants blancs.
Tous les ornements avec lesquels le novice s'en venait à la cour pour recevoir l'Ordre de Chevalerie étaient là mis en garde entre les mains du chevalier qui lui servait de parrain, aussi bien que le lit, la couverture et tout le reste, si bien qu'il ne lui restait rien que le bonnet, la ceinture, le cordon et les gants. Alors il montait à cheval, précédé des écuyers et des musiciens qui le conduisaient dans la salle du Roi. Son cheval avait une housse de cuir noir, les étriers étaient de bois blanc, les sangles noires, le poitrail de cuir noir avec une grande croix fort longue pendante au milieu, mais il n'avait point de croupière; le mors était noir avec des rênes fort longues, et une longue croix sur la tête. Devant lui marchait un jeune écuyer qui portait l'épée et les éperons pendants au fourreau qui était de cuir blanc aussi bien que le baudrier, le tout sans aucune broderie.
Dans le temps qu'il arrivait à la salle du Roi, le maréchal allait au devant de lui et lui ordonnait de descendre de cheval, et le maréchal se chargeait de la garde du cheval pendant que les chevaliers conduisaient le novice à la première table de la salle et ensuite à la seconde où il attendait la venue du Roi. Cependant, le jeune écuyer qui portait l'épée et les éperons allait se mettre entre les deux autres écuyers qui dirigeaient toute la fête.
Le roi étant entré demandait les éperons et, les ayant dormes au plus ancien chevalier, il lui ordonnait de les mettre aux talons de l'aspirant qui était à genoux. Ce plus ancien chevalier prenait la jambe de l'aspirant et la mettait en croix sur la sienne, et après y avoir attaché l'éperon il la baisait, faisant ensuite la même chose à la jambe gauche. Le Roi s'approchait alors et lui ceignait l'épée au côté, et le nouveau chevalier levant en haut ses deux mains jointes ensemble le Roi lui donnait l'accolade, lui touchait le derrière du cou en lui disant : Soyez un bon chevalier, et le baisait.
Après cela, on le conduisait dans la chapelle proche du grand autel, toujours au milieu des musiciens et des joueurs d'instruments. Là, il se mettait à genoux tenant la main droite sur l'autel et promettait d'aider à défendre la Sainte Eglise. Ensuite, il prenait son épée et son baudrier, et les ayant consacrés avec beaucoup de respect à Dieu et à ses saints, il les priait de lui aider à maintenir la dignité de l'Ordre jusqu'à la fin de sa vie. Lorsque cela était fait, il prenait deux doigts de vin. A la sortie de la chapelle le premier écuyer de cuisine du Roi s'avançait avec un couteau et lui ôtait promptement les éperons sur sa simple parole et sur sa bonne foi, disant : Je suis l'écuyer de cuisine du Roi qui prends sur ma bonne foi ces éperons, et si vous venez à faire quelque chose qui soit indigne d'un chevalier, ce qu'à Dieu ne plaise, je vous les briserai sur les talons. Alors les plus anciens chevaliers le ramenaient dans la salle du Roi où il se mettait à table avec eux; mais il ne mangeait, ni ne buvait, ni ne se remuait en aucune manière.
Lorsque le Roi était sorti, le nouveau chevalier était reconduit avec la même cérémonie à sa chambre où on lui servait à manger. Ensuite, la chambre était fermée, on lui ôtait tous ses habits et ses ornements, et on les mettait entre les mains du roi d'armes ou des musiciens auxquels il donnait quelques pièces d'argent; et le capuchon rouge qu'il avait eu la nuit était aussi remis à ceux qui avaient fait la garde. Après cela, il prenait un justaucorps bleu céleste, à manches étroites, avec un cordon de soie blanche qui lui pendait de l'épaule gauche.
En cet état, il était conduit par les chevaliers et les gentilshommes devant le Roi auquel il disait : Prince très digne de tout respect, je viens rendre mes très humbles actions de grâces à Votre Majesté de l'honneur et des faveurs qu'Elle m'a faites, et de la bonté qu'il lui a plu de me témoigner; et lui dire que dans les sentiments d'une très humble et très profonde reconnaissance je demeure, etc.; et à la fin de son compliment il prenait congé du Roi.
Les écuyers prenaient congé de lui en disant : Monsieur, il était de notre devoir de faire ce que nous avons fait par l'ordre du Roi, et de le faire autant bien que nous en étions capables. Mais si dans cette fonction il nous est arrivé de manquer en quelque chose, nous vous en demandons pardon. D'un autre côté, Monsieur, nous vous prions que suivant l'ordre, le droit et la pratique ancienne de la cour et du royaume, il y aitfoi, confiance, conformité d'habits entre tous, ainsi qu'il y a entre les écuyers du Roi, les compagnons d'une même société, les chevaliers inférieurs et les autres grands.
Après cela, ils se retiraient, le chevalier étant alors armé suivant l'ancienne coutume d'Angleterre.
Le symbolisme des différentes cérémonies, vêtures et pièces de l'armement d'un chevalier est explicité dans une relation datée de 1388 faisant état de la réception de deux chevaliers du Bain à Florence, en Italie.
I- Il se fit faire la barbe et les cheveux beaucoup plus proprement qu'ils n'étaient, et pour les avoir encore mieux faits, il voulut que Mr. C. y mît la dernière main, surtout à la barbe.
II- Il entrera dans le bain en signe qu'il est net de tout péché et de tout vice, et aussi pur qu'un enfant qui sort des fonts du baptême. Il nomma Mrs. Philippe de Magalotti, Michel de Medicis et Thomas de Sachetti pour être présents lorsqu'il serait au bain; et il prit ainsi le bain.
III- Incontinent après le bain, il se couchera dans un lit net et neuf en signe du grand repos que tout chevalier doit acquérir par ses exploits, et il a été mis au lit par les commissaires susdits, etc.
IV- Après avoir resté quelque temps dans le lit, il en sortira et se revêtira d'un habillement de soie blanche en signe de la pureté qu'un chevalier doit conserver avec soin. Selon l'ordre du capitaine, il fut revêtu de soie et il resta ainsi tout le soir, entre la troisième et la quatrième heure de la nuit.
V- Il sera ensuite revêtu d'un habit rouge pour marque du sang qu'un chevalier doit verser pour le service de Notre Seigneur Jésus Christ et pour la Sainte Eglise. Les susdites personnes étant présentes par ordre du capitaine, il fut dépouillé et revêtu de rouge par lesdits chevaliers.
VI- Il aura une chaussure brune en signe de terre, parce que nous sommes de terre et que nous retournerons en terre, ce qui fut exécuté par les trois susdits chevaliers qui lui donnèrent des brodequins de soie noire.
VII- Il se lèvera aussitôt après et il sera ceint d'une ceinture blanche en signe de la virginité et de la pureté que tout chevalier doit conserver, faisant en sorte qu'il ne souille point son corps; cela fut fait, et le capitaine lui mit la ceinture.
VIII- Il aura un éperon d'or ou doré en signe de la promptitude qu'un chevalier doit avoir dans le service militaire, selon que nous voulons que tous les autres chevaliers soient prompts à nos commandements. Ledit jour 26, la chose fut faite sur la Tribune par le Sr. Vannes de Castellani et Nicolas Pagnozzi, selon l'ordre ci-dessus.
IX- Il sera ceint d'une épée en signe de défense contre le diable; et les deux taillants signifient la justice et l'équité, selon laquelle il doit défendre le pauvre contre le riche, et le faible contre le fort. Ce qui fut fait par Mr. Donat de Acciaioli.
X- Il aura une toque à la tête pour marquer que comme il doit faire des oeuvres pures et bonnes, il doit aussi rendre à Notre Seigneur une âme sans tache et sans malice. Cette cérémonie fut omise parce qu'il n'y avait point de toque.
XI- Un soufflet, pour se souvenir de celui qui l'a fait chevalier. Le chevalier ne doit rien faire de bas ni de lâche par la crainte de la mort ou de la prison.
XII- Le chevalier observera quatre choses en général : premièrement, de ne point se trouver en lieu où il se rende un faux jugement; secondement, de ne point user de trahison, mais de se retirer, à moins qu'il ne puisse résister à la force; troisièmement, de n'habiter avec aucune dame ni demoiselle, mais de se conduire toujours bien; en quatrième lieu, de jeûner le vendredi en mémoire de Notre Seigneur, etc., si ce n'est en cas d'indisposition, de dispense du supérieur, etc., ou de quelque autre juste cause.