Lot description:
ANGE d'OR d'Edouard IV roi d'Angleterre 1461-1483, 5.09 gr, axe 2h, 27mm, estimation 9000 euros.
L'Archange Saint Michel tue le Dragon, Saint George également, sensé représenté le Diable. Monnaie SUP à FDC.
Edward IV, second reign, angel, mm. heraldic cinquefoil, the archangel Michael slaying the dragon, rev. ship holding shield, cross above, E and rose at sides (S.2091), choice, extremely fine to FDC.
L'ange d'or ou la numismatique des rois thaumaturges.
<< Le roi te touche, Dieu te guérit >> . Pour la dernière fois dans l'histoire du monde, cette phrase est prononcée par un roi, le dernier roi de France : nous sommes à Reims, le 31 mai 1825 et Charles X vient d'accomplir le surlendemain de son sacre, le toucher des écrouelles sur une centaine de malades réunis en l'hospice Saint-Marcoul. Depuis près de huit siècles, rois de France et rois d'Angleterre ont guéri ou ont apporté l'espoir de guérison à des dizaines de milliers de scrofuleux, atteints des écrouelles, ce << mal le roi >> que les médecins d'aujourd'hui désignent du nom d'adénite tuberculeuse.
En France, tout a commencé avec les premiers Capétiens et on sait, grâce à un texte de Guibert, abbé de Nogent-sous Coucy au 12ème siècle, que Philippe I (1060-1108), père de Louis VI, était un roi thaumaturge: << Que dis-je? n'avons-nous pas vu notre seigneur, le roi Louis user d'un prodige coutumier?. J'ai vu, de mes propres yeux, des malades souffrant d'écrouelles au cou, ou en d'autres parties du corps, accourir en foule pour se faire toucher par lui, toucher auquel il ajoutait un signe de croix. J'étais là, tout près de lui, et même je le défendais contre leur importunité. Le roi cependant montrait envers eux sa générosité innée; les attirant de sa main sereine, il faisait humblement sur eux un signe de croix. Son père Philippe avait exercé aussi avec ardeur, ce même pouvoir miraculeux et glorieux.
En Angleterre, ce pouvoir royal est attesté pour Henri II qui régna de 1154 à 1189. Alors que le cérémonial français du toucher des écrouelles reste assez simple, outre-Manche << il prend l'allure d'un véritable service liturgique où le roi, assisté de son chapelain, faisait presque figure d'officiant >> .
A l'issue de ces séances de guérison, on prit l'habitude de remettre des aumônes à ces malades dont un grand nombre était des miséreux. En France, on ne donnait qu'à ceux qui venaient de loin; en Angleterre presque tous les malades participaient à la distribution et à l'issue du Moyen Âge il n'y eut plus d'exception : tous les scrofuleux reçurent une pièce de la main du roi. Ne pas la recevoir c'eût été, au mieux, n'être miraculé qu'à demi : << la pièce de monnaie était devenue alors, aux yeux du public, un instrument essentiel du rite >>.
Ainsi va naître et se développer la plus étrange des numismatiques qu'il nous ait été donner d'étudier jusqu'à présent.
On sait que sous les trois premiers Edouard d'Angleterre les malades recevaient chacun un denier; plus tard sous Henri VII (1485-1509), ils reçurent beaucoup plus, très exactement six shillings et huit deniers, soit l'équivalent d'un <<Ange d'Or >>, soit la monnaie que nous présentons. L'ange d'or devint, par principe, l'unité affectée au toucher des écrouelles sous les Tudor et il devait continuer à jouer ce rôle sous les Stuart.
L'Ange d'or était remis avec solennité au malade par le monarque lui-même: après avoir été touché des mains royales le scofuleux devait se représenter devant le roi qui, tenant à la main l'ange d'or, traçait le signe de croix sur les plaies. Ce geste accompli, il suspendait au cou du malade l'ange d'or qui avait été préalablement percé d'un trou et muni d'un ruban. Cette pièce d'or devenait alors pour le patient le plus précieux des biens, car elle était censée être le garant de sa santé retrouvée : << On racontait fréquemment en Angleterre une historiette dont les héros changeaient mais dont le thème était toujours le même : une personne avait été touchée par le roi qui lui avait remis l'ange d'or de rigueur; tant qu'elle avait conservée ce gage, elle avait paru guérie; un jour qu'elle l'avait perdu ou s'en était défait, elle avait été aussitôt reprise du mal ancien >>. Les rois eux-mêmes laissaient s'accréditer cette croyance et un Vénitien qui avait assisté, le 4 avril 1556, au toucher des écrouelles par Marie Tudor, rapporte que la reine fait promettre à chaque patient de ne jamais se séparer de la pièce de monnaie sauf en cas d'extrême besoin. L'ange d'or n'était plus considéré comme une monnaie ordinaire : << L'emploi dans la cérémonie du toucher de cette pièce d'or, toujours la même.... avait vraisemblablement conduit les esprits à imaginer qu'un objet si essentiel au rite ne pouvait y jouer le rôle d'une simple aumône; les rois eux-mêmes, à partir d'Henri VIII au moins, en prenant l'habitude de tenir la monnaie en main pendant le signe de croix avaient, volontairement ou non, encouragé une pareille conclusion >>.
Dès lors le peuple cessa peu à peu de voir dans cette pièce une monnaie comme les autres et, bien qu'elle eût circulé comme numéraire jusqu'à Charles I (1625-1649), on tendit de plus en plus à la considérer comme un talisman pourvu d'une vertu médicinale propre. Et, fait peut-être unique dans l'histoire des monnaies, on changea la légende de l'ange d'or pour l'adapter à ses nouvelles fonctions de remède contre le mal ou le malin.